Le poème du jour : "Supplique pour être enterré dans ce petit coin calme et attachant," ... un poème de Pierre
1 Novembre 2016 , Rédigé par Rotpier Publié dans #Poésie, #Pensées
C’est jour de Toussaint aujourd’hui et je vais y aller … pas encore comme locataire mais comme simple visiteur.
Je vous invite à le découvrir, c’est un lieu que j’aime beaucoup depuis mon enfance et qui sera, je l’espère, mon dernier domicile… C'est le cimetière d'un petit village de l'est de l'Eure nommé Nojeon en vexin, autrefois Nojeon-le-Sec, du nom de son petit ruisseau qui est souvent ... à sec !
Supplique pour être enterré dans
ce petit coin calme et attachant,
C'est un petit cimetière
comme on en voit dans nos campagnes.
Dès passé les battants de l’antique grille
on entre dans un autre monde,
un monde portant l’estampille
des aiguilles arrêtées de la montre.
Coté nord, un mur.
Un mur qui protège de la froidure
comme les bras d'un homme protègent sa compagne.
Les morts n'aiment pas les glaçants courants d'air.
Les bâtisseurs, en leur temps,
en avaient tenu compte pour leur plaire.
Pour leur plaire mais aussi,
intérêt bien compris,
pour eux-mêmes sachant
qu’inévitablement, qu’inexorablement,
ils en seraient un jour locataires !
Sur les autres cotés, une haie.
Une haie, pas très régulière,
juste pour délimiter l'aire.
Au centre, une église.
Une très vieille église à l'ardoise grise
et à la pierre façonnée et usée par les ans.
Les siècles qui s’entassent sur sa tête
ne l’empêche pas d’être très coquette !
Une petite tour munie d'un escalier
permet d'accéder au clocher.
Un clocher très fin et élancé.
Un porche d’entrée où l’on pénètre
dans le recul du temps.
La bâtisse a les pieds dans l'eau,
résultat de l'égout de son toit
et aussi de sources surgissant ça et là
de façon rémanente.
Ça ruisselle de manière charmante.
Ça ruisselle tranquillement
jusqu'au Sec, un petit ruisseau
coulant selon son bon vouloir
au grand désespoir du lavoir
qui se retrouve le bec dans l'eau
… quand il vient à en manquer !
Coincées entre l'église, le mur et la haie,
le cimetière et les tombes.
Certaines très anciennes,
des délabrées, des effondrées.
Des qui partent en quenouille
pierres ou marbres cassés,
grilles rongées par la rouille
... la rouille, cet animal vorace et patient
... très patient.
Il y en a des grandes et des petites
... des plus petites encore dans le carré des enfants.
Puis d'autres, plus récentes, plus pimpantes,
regroupées dans le carré neuf
... enfin, presque neuf.
D'autres encore disséminées parmi les anciennes
au gré des places disponibles ou se libérant
par le truchement des tombes relevées
... ici les locataires s'en vont d'eux-mêmes très rarement !
Un mélange hétéroclite
où ceux qui sont sous terre cohabitent
et se côtoient sans préjugés,
sans se soucier de qui ils étaient dans le monde des vivants.
Une fraternité bon enfant
mélangeant moult générations
toutes classes sociales confondues
en se moquant des qu'en dira-t-on
comme d'un guignon !
La devise de la république ici s'applique
sans restriction.
Les morts n'ont que faire des apparences,
ils font fi de leurs appartenances
unis qu'ils sont dans leur ultime danse
... danse macabre par essence ... naturellement.
Et moi, je me vois bien en ce lieu-là,
un lieu que je connais depuis mon enfance
et que j'ai arpenté bien des fois
quand j'étais môme
au gré de mes escapades
ou bien au gré des psaumes.
Il était à deux pas de chez moi
et j'y venais très souvent.
J'aime cet endroit paisible et tranquille
qui, pour dernier domicile,
m'irait, je le crois, comme un gant !
Oui, je le crois vraiment.
Et si j’y avais les pieds dans l’eau
… même un peu plus à l’évidence,
je me dis que ce serait une chance :
c’est bon pour la blancheur des os !
Il est des endroits où l'on se sent bien
... par quel mystère ?
Point n'est besoin de le savoir absolument,
on le constate et c'est le seul point important.
Tout le reste n’est que chimères.
Bercé par le chant des oiseaux,
sous la chaleur ou sous le givre,
après le passage de la dame à la faux
… bon sang !
Comme j’aimerais y vivre !
Ce sera mon dernier domicile,
je l’espère beaucoup y j’y tiens,
il n’y aura aucun codicille :
je le veux, l’affirme et le maintiens !
Peut-être mettrais-je cette épitaphe :
« A vos pieds un humble poète
Grand amateur de raccourcis
Ayant pris la mort à perpète
A choisi de la vivre ici ! »
Vue aérienne de l'église et du cimetière
Bonjour et bienvenue sur ce blog où vous trouverez, pêle-mêle poésie classique, libre, sérieuse, moins sérieuse ou encore … moins sérieuse ! Ma devise : « Enfermez la poésie dans un genre et elle s’étiole » Vous y trouverez aussi des pensées de toutes sortes, des rébus, des chansons que j’aime (clip et paroles) et encore plein d’autres choses frôlant parfois le délire ! Rotpier
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