Le cancer, ce n'est pas que pour les autres : " A la grande tombola de la vie, j’ai gagné … " le poème du jour de ... Pierre
Préambule :
« Les mots s’envolent, les écrits restent ».
C’est le principal avantage de l’écriture sur la parole. J’en vois un autre : coucher ses idées sur papier oblige à choisir et à peser ses mots. Quand cela est fait, la relecture permet de les valider ou pas. Ce qui est loin d’être négligeable.
Voici quelques mots sur mes maux.
… Avec la pointe d’humour que permet la philosophie !
Pierre Dupuis
( Ecrit en août-septembre 2010 )
A la grande tombola de la vie,
j’ai gagné …
J’ai gagné un vilain cancer,
cancer de peau … manque de chance !
Il y a mieux comme dessert
… je crois que c’est une évidence !
Je fais avec : pas d’autre choix !
Mais comme je suis philosophe,
un peu poète de surcroît,
cela donne ces quelques strophes !
C’est un banal grain de beauté
qui a viré méchant notoire,
il a été trop tard ôté :
fort de café que cette histoire !
On m’a dit : «Ce n’est pas bénin !
Attention, c’est un mélanome
que l’on qualifie de malin,
une espèce de sale gnome ! »
Sans demander ma permission,
le mal a fait sa promenade
du coté de mes ganglions,
ce qui me met dans la panade !
Ne se contentant pas de ça
il s’est permis l’outrecuidance
de travailler comme un forçat
pour embellir sa performance !
Il a repris un peu d’élan
pour aller voir mes jolis muscles :
il devient par trop turbulent :
un vrai sans gène qui m’offusque !
Ma peau a connu le scalpel :
bonjour les belles boutonnières !
Allez, au bloc et sans appel !
Mais… elle n’est pas rancunière !
Mes veines n’ont pas plus de pot :
on me les pique et les repique,
prélèvement ou bien dépôt :
elles connaissent la musique !
Mon corps n’a plus rien à cacher,
on a fait le grand inventaire :
toute une série de clichés,
procédure réglementaire !
Le mal est dur à trucider,
car pratiquement increvable !
il faut le coincer, le brider,
lui rendre la vie imbuvable !
Un grand labo a mis au point
un produit qui serait capable
de bloquer l’intrus dans un coin,
mais … que d’effets indésirables !
Pour tester ce médicament
je me suis porté volontaire,
c’est un challenge évidemment
doublé d’un geste humanitaire.
Il faut bien passer à l’humain
pour faire avancer la recherche,
il faut se prendre par la main,
en somme se bouger le derche !
Toute une équipe à l’hôpital
m’aide à suivre la procédure :
traitement expérimental
qui n’est pas une sinécure !
J’attrape des coups de soleil,
même quand il est en vacances !
Mon visage devient vermeil :
photosensible haute fréquence !
Je suis recouvert de boutons
de diverses catégories,
de quoi ouvrir dans le canton
une chaîne de merceries !
Ça me picote de partout
et la nuit cela me réveille,
sur la face et sur le caillou :
les coups de soleil de la veille !
Quand je me lève le matin,
qu’une belle journée s’annonce,
je repars vite dans mon coin :
à plein de choses je renonce :
Dur pour la pêche et le vélo,
pour le jardin, pour les balades,
pour les visites de châteaux,
sans mes six couches de pommade !
J’ai l’estomac bien détraqué :
ça me pèse et j’ai des brûlures !
Vous seriez très mal éduqués
de vous fiche de ma figure !
Il y a pire, c’est le goût :
les aliments sont insipides !
Je me nourris avec dégoût :
mes repas deviennent arides !
Un bon whisky ou un porto,
un succulent filet de lotte,
une saucisse de Morteau,
une bavette à l’échalote,
une cerise sur gâteau
ou encore une île qui flotte :
j’évite d’aller au resto,
tout est mauvais, même la flotte !
Un grand bordeaux millésimé
ou un chablis de bonne garde,
sont aussi doux à mon palais
que le litron d’une pocharde !
Je sais qu’il faut classer tout ça
dans les effets indésirables,
mais c’est loin d’être la nouba :
j’aspire aux jours plus favorables !
J’ai bien assez de volonté
pour poursuivre cette expérience,
mais sans avoir l’absurdité
de ne plus jouir de l’existence !
Je n’ai pas pour apostolat
la notion de vivre pour vivre,
cela ne m’intéresse pas :
il faut savoir fermer un livre.
Passer mes jours à vivoter
pour faire durer ma carcasse,
ce n’est pas ma tasse de thé :
ou bien ça passe ou bien ça casse !
Je vais laisser du temps au temps
pour corriger tous ces problèmes,
peut-être bien la fin de l’an
mais pas jusqu’à la mi-carême !
Cela pour dire - et je suis clair !-
banco si cela s’améliore,
sinon je la joue au poker
… tiens, je me mets aux métaphores !
Heureusement j’ai le soutien
du premier cercle de famille :
de mon épouse au quotidien,
de mes enfants : pas de bisbille !
Pour le second, c’est fluctuant,
mais il n’y a pas surprise,
ceux qui communiquaient avant
sont toujours là : pas de traîtrise !
Le reste suit d’un peu plus loin,
une attitude assez normale,
finalement … pas plus pas moins
que vous et moi : chose banale !
Pour les amis, rien de changé
les vrais restent toujours les mêmes,
pour les autres c’est mitigé :
la liste doucement s’écrème !
Mais il est arrivé aussi,
j’y tiens, il faut que je le dise,
qu’un voisin me demande si
cela va mieux : belle surprise !
Quelqu’un m’a dit : « Il faut prier ! »
mais pour moi c’est problématique :
quel dieu vais-je m’approprier ?
Comment choisir le bon cantique ?
Quand je vois dans les hôpitaux
les quartiers réservés aux mômes,
moi je me dis tout aussitôt :
« les dieux exercent sans diplômes ! »
Mieux vaut compter sur les toubibs
quelque puisse être son prénom,
Ivan, Josué, Pierre ou Habib,
c’est plus sûr qu’une religion !
Mieux vaut être dans un pays
plutôt riche et démocratique
que pauvre et sous le joug maudit
d’un gouvernement despotique !
Encore que pour les USA,
si ta bourse n’est pas bien pleine,
tu peux crever sans que cela,
le moins du monde, ne les gênent !
Mais revenons à nos moutons,
c’est à dire à mes métastases,
il faut gérer le feuilleton
dans l’attitude et dans les phrases !
Je tente d’être à la hauteur :
j’ai toujours été philosophe,
quelle sera, en tant qu’auteur,
mon ultime et dernière strophe ?
Car …
Car à la grande tombola
de la vie sans mettre de mise,
j’ai gagné, c’est pas la fiesta,
quelque chose qui me défrise !
Ce poème n’est pas de la fiction …il est bien d’actualité, hélas !
Tout a commencé au mois d’Octobre dernier ( donc 2009 )
Ceux qui suivent mon blog régulièrement ont pu remarquer quelques « Blog en pause » inhabituels … et pour cause !
A part cela - et mes billets d’humour le prouvent ! - le moral est toujours bon !